Nous apprenons avec beaucoup de tristesse le décès ce jour de Jacques Secrétin, le pongiste le plus titré de France. De 1985 à 2001. « Maître Jacques », sans pontifier, savait parler à tout le monde. Aussi bien aux passionnés qu’au grand public, aussi bien aux exégètes du tennis de table qu’aux béotiens du ping-pong. En France, quelle qu’en soit l’appellation, ce sport doit beaucoup à la popularité de Jacques Secrétin. La « légende », pour reprendre le terme du Comité national olympique et sportif français, est morte d’une crise cardiaque, à l’âge de 71 ans, dans la nuit du mardi 24 au mercredi 25 novembre, à son domicile de Tourcoing (Nord), à une trentaine de kilomètres des anciennes mines de Carvin (Pas-de-Calais), ville où il était né, le 18 mars 1949.
Les uns citeront les compétitions. Ce sacre de champion d’Europe en simple, à Prague, en 1976, un exploit alors inédit pour la France… quoique non télévisé en direct. Ce titre mondial en double mixte aussi, en 1977, avec Claude Bergeret, à Birmingham. Ces dix-sept championnats de France remportés en simple, enfin, entre 1966 et 1986, record toujours hors d’atteinte.
Tables miniatures, raquettes difformes, fumigènes… les gags ont fusé comme des balles de Celluloïd, du début de la décennie 1970 jusqu’au mitan des années 2000. Les autres, tous les autres, se souviendront des exhibitions ! Ces quelque 3 500 spectacles (selon les estimations de l’intéressé) en duo avec Vincent Purkart, son aîné, mort en 2015. Tables miniatures, raquettes difformes, fumigènes… les gags ont fusé comme des balles de Celluloïd, du début de la décennie 1970 jusqu’au mitan des années 2000, en France comme à travers le monde, certains ayant les honneurs de la télévision.
« J’ai toujours considéré nos spectacles comme une certaine forme d’entraînement à la compétition, expliquait-il, non sans sérieux, dans son autobiographie, Je suis un enfant de la balle (Jacob-Duvernet, 2007), écrite avec le journaliste Laurent Favreuille. N’est-il pas aussi utile de chercher à remettre la balle en permanence sur la table que de s’entraîner à abréger l’échange par un coup surpuissant ? » Grand talent, petit gabarit.
Source de distraction comme d’inspiration, Secrétin a marqué des générations. Et pas seulement pour toutes les tables auxquelles il a laissé son nom, en partenariat avec la marque Cornilleau. Au prix d’un facile jeu de mots patronymique, Coluche lui a aussi concédé une place dans un sketch. Vice-champion olympique en 1992, Jean-Philippe Gatien préfère à présent rendre hommage à l’illustre moustachu, grand talent, petit gabarit, « un ambassadeur hors norme dans le monde entier ». Pas de médaille olympique, en revanche, pour « Maître Jacques ». L’ancien numéro 2 mondial a quitté l’équipe de France deux ans trop tôt, en 1986, pour expérimenter l’entrée de son sport au programme des Jeux. Gaucher pour saisir une raquette, droitier, comme tous les écoliers d’alors, pour écrire les leçons, Jacques Secrétin tenait ses aptitudes sportives du foyer familial. Premières balles à l’âge de 6 ans, dans l’école de Dannes-Camiers, près d’Etaples (Pas-de-Calais), dirigée par son père – sensible à la méthode Freinet comme aux idées communistes – et rattachée à l’Union sportive de l’enseignement du premier degré. A 13 ans, « P’tit Jacques » reçoit sa première convocation en équipe nationale. Une licence à jour de cotisation Un temps, le jeune homme a tenté de concilier tennis de table et « vrai » métier. Entraînements de pongiste le soir, boulot d’opérateur-mécanographe pour EDF la journée : « vie déréglée », constatait-il, en 1972, face à la caméra de l’émission « Les Coulisses de l’exploit ». La suite de son activité professionnelle, comme joueur ou éducateur, Jacques Secrétin l’a réservée à la pratique de son sport. Notamment au Levallois Sporting Club (1985-2001), présidé à ses débuts par le maire de la commune des Hauts-de-Seine, Patrick Balkany. Cet automne, le septuagénaire avait encore une licence à jour de cotisation, pour le plaisir, au club de Lys-lez-Lannoy (Nord). En 2015, il racontait au Monde ses interventions en milieu carcéral : « Le plus dur, c’est avec les mineurs. Il y a toujours des hâbleurs. Ceux-là, je leur donne dix points d’avance et je ne leur fais pas de cadeau. » Lire le portrait : Les secrets de table de « Maître Jacques » Dernièrement, le vétéran entendait se préparer aux championnats du monde de sa catégorie d’âge, prévus en juin 2020 à Bordeaux, mais reportés à l’an prochain en raison de l’épidémie de Covid-19. Jacques Secrétin en quelques dates 18 mars 1949 Naissance à Carvin (Pas-de-Calais) 1976 Champion d’Europe 1977 Champion du monde en double mixte Nuit du 24 au 25 novembre 2020 Mort à Tourcoing (Nord)
Passionné, il n’a pu ranger sa raquette après avoir pris sa retraite des aires de jeu en 1986. Toute une génération a vibré avec lui. Il a inspiré, transmis les valeurs du tennis de table et a exhibé le ping dans des salles combles pendant plus de 37 ans en parcourant le monde avec Vincent Purkart avec leur show. Toujours investi dans le ping national, le sport français perd un grand champion mais surtout un Monsieur Jacques au grand cœur qui aimait transmettre à la nouvelle génération ainsi qu’au milieu carcéral. Jacques aimait blaguer et était un bon vivant. Il va manquer au paysage pongiste et sportif. A 71 ans, il rejoint son ami de toujours, Vincent Purkart décédé en 2015.